Découvrir | Le polar, une affaire de femmes ?

Chaque année, en écho au festival Quais du Polar, les médiathèques organisent des rencontres avec des auteurs et autrices. Voici une sélection de livres sur le polar, et sur ses héroïnes et autrices.

Naissance d’un genre : fait divers et feuilletons littéraires

Visiter les macchabées de l’Île de la Cité, voilà l’une des attractions les plus populaires du 19e siècle. Le Tout-Paris se rue à la morgue pour admirer les corps de noyés repêchés dans la Seine. On s’y presse par curiosité morbide et pour découvrir la victime de la dernière affaire criminelle relayée dans les journaux.

Le 19e siècle a des remugles de cadavres… Et on ne s’étonnera donc pas que ce goût pour le macabre se propage au sein de feuilletons littéraires édités dans la presse quotidienne.

En 1841, dans le Graham’s Magazine, puis en 1846 en France, paraît la nouvelle Double assassinat dans la rue Morgue, écrite par Edgar Allan Poe qui sera considérée comme l’archétype du roman policier, établissant les lois du genre : un crime, un problème une enquête (in Polar, le grand panorama de la littérature noire, Clémentine Thiebault et Mikaël Demets, éditions de La Martinière).

Les dames ont le goût du noir

Ainsi déferle sur le continent européen une vague littéraire sans précédent de romans à énigmes.

Les reines du crime, nommées ainsi par la critique anglo-saxonne, s’y taillent une place de choix. D’Agatha Christie à Dorothy Sayers, elles vont fortement contribuer à façonner le genre du polar. Si ces autrices ont alors acquis leur place au sein de ce genre littéraire, les protagonistes principaux restent encore le plus souvent des hommes : la figure masculine et héroïque du détective solitaire.  

Exception faite de notre chère Miss Marple, qui fera sa première apparition en 1930 avec L’Affaire Protheroe, les femmes sont le plus souvent cantonnées aux rôles d’épouses de commissaire – bonne ménagère, ça va de soi – ou de maîtresses – faire-valoir pendues aux bras des malfrats.
Au mieux elles occuperont la place de victime de la violence des hommes.

Cependant qu’aux États-Unis émerge les hard-boiled, littéralement dures-à-cuire, aux lourdes effluves de testostérones – mais aux anti-héros attachants -, l’autrice américaine Vera Caspary signe son remarquable roman noir Laura, troublant les codes pour nous offrir une héroïne au double visage : celui de coupable et victime.

Image tirée du film Laura, réalisé par Otto Preminger en 1944.
Couverture du Detective Book Magazine,
Sept-Nov 1949, Illustration George Gross.

Le polar va peu à peu se féminiser avec l’introduction de détectives de sexe féminin, de figures de victimes ambigües et de vamps stratèges. Mais c’est véritablement à partir des années 1970-80 que s’opère un tournant important.
 

Les femmes aussi sont dangereuses

L’évolution de la situation des femmes dans la société va permettre de voir apparaître de nouvelles héroïnes combatives, prenant des rôles jusqu’à présent réservés aux hommes (citons la légiste Kay Scarpetta, héroïne d’une série créée par Patricia Cornwell en 1990).

En parallèle, le genre se renouvèle et se tourne vers des questions sociales (notamment en France avec des auteurs comme Jean-Patrick Manchette et Jean-Bernard Pouy). Le roman policier reflète alors, tel un miroir grossissant, les évolutions sociales de son époque.

Les questions d’inégalité et de violences faites aux femmes sont de ce fait des thématiques de plus en plus abordées, notamment au gré des vagues féministes, et plus récemment du mouvement #MeToo.

Ainsi, le polar, genre très codifié et prônant une vision parfois stéréotypée de la virilité, a évolué ces dix dernières années pour prendre en compte et raconter des expériences féminines multiples.

Des héroïnes puissantes aux victimes qui entrent en résistance le roman policier va porter en son sein l’émancipation des femmes : 

« Nous sommes là pour regagner notre liberté. […] Nous sommes là pour reprendre ce qui nous appartient. L’espace. L’air. L’extérieur. Le soleil. La lune. La nuit. » Louise Mey, Les ravagé(e)s

Les romans de Louise Mey s’inscrivent dans cette veine résolument féministe en traitant du viol (Les ravagé(e)s), du harcèlement et des insultes sexistes (Les hordes invisibles), de l’emprise et de la violence conjugale (La deuxième femme).

Découvrez ici notre sélection de polars sur ce thème.

 

 

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