Depuis que le monde est devenu inhabitable (comment ? pourquoi ? quand ? le lecteur n’en saura pas vraiment davantage), la famille de Gemma a élu domicile dans un bout de forêt dépourvue d’oiseaux. Un refuge fait d’écorce et de mousse que l’on surnomme « le Sanctuaire ». On ne saura pas précisément ce qui est arrivé, si ce n’est que le monde a été dévasté par une terrible pandémie.
Gemma, l’héroïne de l’histoire, est née dans ce « sanctuaire ». Du monde d’avant elle ne sait rien, ou seulement les histoires racontées par sa mère ou les quelques souvenirs de sa grande sœur.
Coupée du monde, protégée par une nature montagneuse et isolée, la petite famille subsiste vivant pour l’essentiel de chasse et de cueillette. La mère et les deux sœurs ne doivent sous aucun prétexte quitter ce territoire protégé, sous peine d’essuyer la fureur paternel. Seul le patriarche s’octroie de temps à autre des incursions à l’extérieur de la zone délimitée.
Ce « sanctuaire » a beau leur offrir une sécurité précaire, un semblant de paix, il n’en est pas moins une prison pour les deux fillettes. Curieuses, elles s’étonnent de ne s’être jamais aventurées au-delà des montagnes. Assujetties, elles se sentent de plus en plus captives de l’autorité patriarcale.
Aussi lorsque l’envie et le besoin de liberté deviennent plus forts que l’interdit, l’aventure et le drame surgissent plongeant le récit dans une dimension irrémédiablement tragique.
Lire un roman post-apocalyptique en cette période difficile n’est pas forcément ce que l’on désire. Sauf que… Sauf que Laurine Roux nous offre un étonnant roman. En seulement 160 pages, elle conte une histoire puissante, totalement envoûtante. Il y a un peu de Sandrine Collette ou de Cormac McCarthy dans ce court récit où il est question de nature et de survie. Il y a également une tension palpable, sournoise, maîtrisée qui n’est pas sans rappeler le délicieux Sukkwan Island de David Vann. Bref, la lecture de ce beau roman est un pur régal !
Le sanctuaire de Laurine Roux, les Éditions du Sonneur, 2020