Un roman de Yishaï Sarid publié chez Actes Sud en 2025.
Yishai Sarid est un avocat et romancier israélien, auteur de romans policiers et de littérature générale. Sa notoriété prend son envol lorsqu’il remporte le Grand Prix de littérature policière en 2011 pour Le Poète de Gaza. Je découvre cet auteur avec son roman Le Monstre de la mémoire publié en 2020. J’ai été impressionnée par ce roman saisissant qui raconte l’histoire d’un historien spécialiste de la Shoah devenu guide des camps de la mort.
Emballée par ce livre, je suis allée faire un petit tour du côté sombre des romans de l’auteur et ce n’était pas pour me déplaire… C’est même tout le contraire. Je vous présente son roman le plus récent : La Nuit du hackeur.
L’histoire :
À l’heure où la puissance monopolistique des géants de la tech est désormais un fait manifeste, La nuit du hackeur apporte une terrible et brillante illustration de notre monde et des choix que chacun peut ou doit faire.
Ce thriller est une saisissante plongée dans les entrailles du Web. Le héros, Ziv, est un surdoué du piratage informatique. C’est un jeune Israélien qui ne vit que par et pour son ordinateur. Son quotidien et, plus vraisemblablement, sa conscience le rongent tant qu’il préfère se noyer dans le travail et les arcanes de la toile. C’est un asocial timide et angoissé. Il présente de surcroit une attitude si distante et froide avec ses pairs que son profil coche toutes les cases du parfait sociopathe. Dans la sphère professionnelle, ses compétences hors normes suscitent pourtant l’admiration. Au début du roman, il est débauché de l’armée pour rejoindre une start-up spécialisée en cybersurveillance.
Dans cette société qui vend ses services à des états étrangers, le travail du jeune homme consiste à « identifier les failles dans les systèmes de protection des téléphones et des ordinateurs pour pouvoir les pirater ». Ainsi avec une insolente facilité, nous le suivons pénétrer le quotidien de chacun, partout dans le monde. Il espionne, flic et épie sans véritable conscience. Il accède à des fichiers, messages, photos et autres mots de passe. Il écoute des appels, regarde ou géolocalise des anonymes. Et qu’il soit en capacité de s’infiltrer dans l’intimité des autres ne le préoccupe nullement. Qui plus est, le patron de sa boîte est sympa. Ses collègues ne sont pas trop mal non plus, et l’argent rentre facilement, alors qu’est-ce qui pourrait déraper ? Ziv semble avoir trouvé le parfait emploi et le parfait équilibre, à savoir vivre dans son monde, distant et imperméable à la souffrance des autres.
Le jour où son chef décide de l’envoyer dans un obscur pays d’Europe de l’Est pour y développer un programme pour « cybersurveiller » des gens présentés comme des criminels, son monde va peu à peu vaciller… Sa conscience se réveillera-t-elle ?
Sans en dévoiler davantage, je peux juste affirmer que La nuit du hackeur est un polar à la fois très malin et très effrayant.
- Très malin à cause du choix du narrateur : Ziv devrait être une véritable pourriture. Son profil présente toutes les caractéristiques du parfait psychopathe. Et pourtant au fil des pages, le regard du lecteur semble s’adoucir vis-à-vis d’un personnage qui semble s’humaniser. Aurait-il en fait une conscience ?
- Très effrayant parce que ne nous y trompons pas : si le narrateur n’est qu’un personnage fictif qui joue les supers espions dans des pays qui n’existent pas, et si le nom de Pegasus (logiciel espion installé à distance) n’est jamais prononcé, ce roman interroge sans détours sur des outils et des services aujourd’hui bien réels.
Et à travers ce narrateur, l’auteur révèle ni plus ni moins l’existence d’ingénieurs qui développent de nos jours des logiciels espions à des fins éminemment problématiques.
Un polar qui certes fait froid dans le dos mais terriblement efficace qui donne à réfléchir sur les déviantes profondeurs de la high-tech d’aujourd’hui.